Prévention des violences externes
Synthèse :
Les agents de la fonction publique territoriale et hospitalière sont exposés à des situations de tension ou d’agression provenant du public, des usagers, des patients ou de leur entourage. Ces violences externes, qu’elles soient verbales, physiques, psychologiques ou symboliques, portent atteinte à la santé, à la sécurité et à la dignité des agents, et constituent un risque professionnel à part entière.
Le cadre juridique qui régit leur prévention s’est renforcé au fil des années. Les principes posés par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 imposent à l’employeur public une obligation générale de protection. La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 est venue compléter ce socle en rendant obligatoire la mise en place d’un dispositif de signalement et de traitement des situations de violence. Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 précise quant à lui les modalités concrètes de ce dispositif, en encadrant la réception, l’analyse et l’accompagnement des agents victimes. Les circulaires de 2014 et 2018 fournissent des repères méthodologiques essentiels pour structurer la prévention, la sensibilisation et la formation.
Le 13 mai 2025, le FNP de la CNRACL publiait sa recommandation pour Prévenir les violences externes. Véritable guide opérationnel issu des travaux menés durant plus de 18 mois par 8 employeurs dans le cadre d’un appel à projets portant sur la prévention des risques professionnels liés aux violences externes. Ce guide est fondateur des présentes mesures de prévention explicitées dans cette fiche pratique.
Dans la FPT comme dans la FPH, la prévention des violences externes ne relève pas uniquement d’une obligation réglementaire : elle est un levier indispensable pour préserver la qualité du service public, garantir un environnement de travail sûr, et soutenir les agents face à des situations parfois éprouvantes.
Textes :
- Code Général de la Fonction Publique (partie L) : Chapitre IV : Protection dans l'exercice des fonctions (Articles L134-1 à L134-12) du Titre III (Protections et garanties) du livre Ier (Droits, Obligations et Protections)
- Décret n°2020-256 du 13 mars 2020 — institue le dispositif de signalement des actes de violence, discrimination, harcèlement et agissements sexistes dans la fonction publique (procédures de signalement et prise en charge).
- Circulaire du 2 novembre 2020 — renforcement de la protection fonctionnelle des agents publics exposés à des attaques dans l’exercice de leurs fonctions (modalités, responsabilités des employeurs, articulation avec les forces de l’ordre.
- Loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires — notamment son article 6 quater A (modifié par la loi 2019-828)
- Loi n° 2019‑828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique sur le dispositif de signalement
Sommaire :
Caractéristique des violences externes subies.
Etat de la sinistralité
Les agents de la fonction publique résidant en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion sont, en 2022, plus souvent victimes de violences, notamment d’injures, de menaces ou de harcèlement moral, que les salariés du privé (16 % contre 13 %). Cet écart provient d’une plus forte exposition professionnelle : hors violences conjugales, 45 % des atteintes décrites par les agents publics sont associées à leur métier, contre 32 % pour les salariés du privé.
Ces atteintes concernent plus souvent des agents en contact avec le public et certaines professions telles que les policiers ou les professions intermédiaires de la santé et du travail social. Les agents les plus jeunes sont plus souvent victimes que les plus âgés. Les immigrés sont moins souvent victimes que les personnes sans ascendance migratoire mais sont plus fortement touchés par les discriminations.
Une plainte est déposée dans 10 % des cas, contre seulement 3 % par les salariés du privé. Le dépôt de plainte est plus fréquent dans les cas de violences physiques ou de menaces.
En 2023, le sentiment d’insécurité au travail concerne 26 % des agents de la fonction publique, souvent ou de temps en temps, contre 16 % des salariés du privé.
C’est dans la fonction publique hospitalière que nous connaissons en proportion la plus grande augmentation ces dernières années, pour laquelle 19 328 cas de violence ont été recensés sur 2023, dont 84 % des victimes concerne le personnel. 22 % en psychiatrie, 12,5 % dans les unités de soins longues durée, dont EHPAD et 12,2% pour les urgences.
Caractéristique des violences externes subies

Les actes d’injures et de harcèlement moral représentent plus de la moitié des actes de violences externes tout confondus. Près de la moitié des actes d’injure ou de menace décrits par les agents publics se sont passés sur le lieu de travail, contre moins d’un tiers de ceux décrits par les salariés du privé. Les discriminations sont, elles, le plus souvent associées à un contexte privé (dans 56 % des cas pour les agents publics), tout comme les violences sexuelles (47%).

Les atteintes dans le contexte professionnel concernent plus souvent des salariés en contact avec le public.
Les salariés en contact avec le public sont surreprésentés parmi les victimes d’atteintes dans le contexte du métier. Ainsi, dans la fonction publique, 93% des atteintes sont subies par des agents en contact avec le public alors que ces derniers ne représentent que 85% des agents de la fonction publique. Il en va de même dans le secteur privé (79 %, contre 64 %). C’est particulièrement le cas pour les violences physiques ainsi que pour les menaces et les injures : dans la fonction publique, la quasi-totalité de ces victimations sont subies par des agents en contact avec le public.
Les policiers, militaires et les sapeurs-pompiers sont les premiers concernés : particulièrement exposés aux menaces et aux injures, ils sont l’objet de 17 % des victimations ayant eu lieu dans le contexte professionnel alors qu’ils représentent 5 % des agents de la fonction publique (Figure 4 ).
Les agents exerçant une profession intermédiaire de la santé ou du travail social sont aussi surreprésentés : ils subissent 15 % des atteintes se passant dans le contexte professionnel mais représentent 11% des agents publics.

Les jeunes plus concernés par les violences physiques et sexuelles, les immigrés par les discriminations.
Parmi les victimes d’atteintes dans le contexte professionnel, les femmes sont légèrement sous représentées dans la fonction publique (60 % des atteintes, contre 64 % des effectifs), alors qu’elles sont surreprésentées dans le secteur privé (57 % des atteintes, contre 47 % des salariés). Plus souvent victimes de violences sexuelles (82 % des atteintes), de discriminations (74%) et de harcèlement moral (69%), les femmes dans la fonction publique sont au contraire sous-représentées parmi les victimes de violences physiques (47% des atteintes) et de menaces (41%).
Principes de prévention
Objectiver les faits et l’origine des violences
Comprendre la source de danger
Il s’agit d’étudier les facteurs humains et organisationnels associés au déclenchement des actes de violence (enquêtes, observation de terrain, analyse des fiches d’évènements indésirables etc..) et les mettre en perspective avec l’organisation en place afin de cibler plus finement les actions à mettre en œuvre.
L’INRS a ainsi listé quelques exemples de facteurs de violences externes liés à la gestion de la relation de service et à l’organisation du travail :
- Prestations non conformes aux attentes du public ;
- Temps d’attente importants (ou non affichés) ;
- Procédures rigides qui ne permettent pas de prendre en compte les demandes spécifiques ;
- Agents ne disposant pas d’informations suffisantes ou insuffisamment formés pour répondre au public ;
- Agents « débordés » qui ne peuvent assurer leurs fonctions d’accueil et d’orientation du public ;
- Rôles mal répartis dans les équipes de travail ;
- Agents isolés ou travaillant en horaires atypiques ou décalés (tôt le matin, tard le soir, travail de nuit).
Ainsi, tous les employeurs s’accordent à corréler niveau d’insatisfaction des usagers et degré de violences.
La démarche de prévention des violences externes s’inscrit dans un processus continu et itératif : la caractérisation et l’analyse d’un incident, via les Fiches de signalement d’Evènements Indésirables (FEI) par exemple, permet d’alimenter la phase d’objectivation et d’adapter, au besoin, les actions de prévention à mettre en œuvre.
Dans la FPH, pour ce faire, la mise en place d’une méthodologie rigoureuse et d’outils adaptés permet de collecter des données fiables et d’identifier les facteurs de risque :
- Cartographier le risque lié à la violence de la part d’un patient en repérant les catégories de personnels particulièrement exposées, et en identifiant les services qui déclarent des FEI et accidents du travail en lien avec ces violences,
- Modéliser la dynamique d’apparition de situations de violences en étudiant la combinaison des facteurs humains et organisationnels, associés au déclenchement des évènements par des observations terrains, des entretiens individuels et collectifs, de l’analyse de données recueillies et l’organisation de temps d’échanges entre les équipes.
Observer sur le terrain les déterminants des actes de violence
Les visites des lieux de travail et les échanges avec les agents permettent de détecter quelle incidence l’environnement de travail (aménagement spatial, flux de personnes, outils de communication, niveau de formation des agents etc.) a sur l’apparition de faits de violences, verbales ou physiques de la part des usagers. Cette démarche peut, par exemple, s’inscrire dans le cadre d’un « diagnostic de site » effectué au moyen d’une grille d’analyse préalablement constituée.
L’approche terrain peut se matérialiser également par la mise en place de diagnostic des espaces d’accueils pour repérer les manquements, les modifications et améliorations à apporter.
Favoriser l’alerte et la vigilance des agents
La mise en place d’un dispositif de déclaration reposant sur des FEI est indispensable car il permet d’analyser les causes possibles de l’incident, témoigne de l’engagement de l’employeur, structure les réponses et permet, plus aisément, d’identifier les mesures correctives à mettre en place. Pour cela, il est nécessaire que chaque incident soit systématiquement enregistré et de disposer d’une description détaillée de l’incident : date, heure, lieu, contexte, personnes impliquées, nature et gravité des faits.
D’autres outils, plus génériques et complémentaires, peuvent être utilisés pour objectiver les faits et l’origine des violences comme les outils de mesure du climat social (baromètre social, enquête de satisfaction…).
Agir sur les déterminants de la violence et gérer les situations de violence
Former et communiquer
Pour ce faire, l’employeur peut investiguer les champs de la formation et de la communication à destination des agents, des usagers et/ou des patients ; l’aménagement des espaces de travail et d’accueil et l’organisation du travail pour limiter le risque de passage à l’acte. La sensibilisation, l’information, la formation et la communication sont indispensables. Des actions avec et pour les agents exposés, mais également à destination des autres acteurs, internes et externes sont à mener. Mises en place d’actions visant à :
- Informer des signes avant-coureurs d’un passage à l’acte,
- Faire connaître les procédures à suivre en cas d’incident,
- Connaître les premiers reflexes à adopter en cas d’agression,
- Prévenir des passages à l’acte et désamorcer des situations susceptibles d’entraîner de la violence de la part des usagers,
- Faire connaître les outils et les ressources disponibles pour aider à gérer les situations de violence, proposer des mises en situations aux agents, au plus près des réalités du terrain,
Finalement, il s’agit de créer un socle de formation homogène pour tous inclus dans le parcours arrivant qui permet aussi aux nouveaux arrivants d’avoir les mêmes références.
La communication est à maintenir en continue, permettant de favoriser l’adhésion de l’ensemble des acteurs de la démarche qu’ils soient internes (membres des instances, de la direction, agents) ou externes (patients, familles, usagers). Cette communication doit répondre aux étapes clés suivantes :
- Définir les objectifs de la communication, tel qu’informer les parties prenantes des risques de violence, les sensibiliser aux signes avant-coureurs d’un passage à l’acte, les informer des procédures à suivre en cas d’incident,
- Identifier les parties prenantes : agents, managers, usagers, patients, partenaires externes,
- Mettre en place un plan de communication : définir le calendrier des actions, identifier les responsables de chaque action et prévoir un budget,
- Définir les supports de communication : affiches, brochures, vidéos, modules de formation en ligne, réunions d’information,
- Adapter le message à chaque partie prenante : utiliser un langage simple et accessible, mettre en avant les informations les plus pertinentes pour chaque groupe, privilégier des canaux de communication adaptés,
- Évaluer l’impact de la communication : mesurer le niveau de connaissance des parties prenantes sur les risques de violence, évaluer leur satisfaction vis-à-vis des actions de communication, identifier les points d’amélioration.
Repenser les environnements de travail
Les mesures visant à aménager les espaces de travail peuvent s’inscrire autant en prévention des causes de la violence qu’en prévention des risques de passages à l’acte et peuvent prendre plusieurs formes :
- Intégrer les points importants en matière de prévention des risques d’agression dès l’élaboration du cahier des charges de futures opérations à courte ou moyenne échéance et ainsi plus largement venir nourrir les réflexions autour de la prise en compte du risque dans la définition des schémas directeurs immobiliers et architecturaux,
- Réorganiser les espaces d’accueils ou repenser l’ergonomie des lieux de travail en concevant par exemple des espaces de travail spécifiques, agréables et sécurisés avec l’appui d‘ergonomes,
- Travailler sur le rapport usager/agent, en mettant en place par exemple des bornes d’accueils à la même hauteur que les usagers pour être dans une position d’égal à égal ou encore s’assurer que les bornes d’accueil vitrées garantissent des échanges audibles entre l’agent et l’usager.
Dans la mesure du possible, des simulations sont à opérer, via des scénarios test ou en aménageant des espaces témoin, afin de tester ces évolutions au plus proche des conditions réelles de travail.
Agir sur l’organisation du travail
Les modalités d’organisation du travail peuvent avoir un réel impact sur la prévention des violences externes, que cela soit pour limiter l’insatisfaction d’un usager liée à sa prise en charge ou pour diminuer les comportements violents de patients en milieu de soins.
Il s’agit d’améliorer l’organisation interne des services pour favoriser les échanges avec les usagers afin d’anticiper les conflits :
- Restructuration et le renfort des équipes (mise en place d’équipe de médiation, création de « référents violence » dans chaque service, mise en place d’un binôme pour les interventions de terrain dans des zones sensibles etc.),
- Définition de nouveaux processus ou de nouvelles procédures permettant une meilleure communication avec les usagers ou une prise en charge des patients dans des conditions plus apaisées.
Organiser la prise en charge des victimes
La prise en charge des victimes est un processus complexe qui nécessite une coordination entre les différents acteurs. Pour cela, il est important de mettre en place un protocole clair et précis pour garantir une prise en charge rapide et efficace, définir les rôles et les responsabilités de chaque acteur et organiser des réunions régulières pour échanger sur les situations en cours.
Accueillir, écouter et évaluer les besoins de la victime
La prise en charge des victimes doit se faire immédiatement après les faits de violences. Le manager de proximité et la médecine du travail sont souvent en première ligne pour réagir face aux violences dont est victime un agent et accompagner sa prise en charge. Il est ainsi nécessaire de former l’encadrement de proximité à cette prise en charge. La mise à disposition de ressources adaptées est également essentielle pour répondre aux besoins des victimes.
Un formulaire de déclaration d’agression associé à un logigramme du processus déclaratif doit être élaboré, communiquer à tous, facilement accessible et sécurisant pour la victime.
Mettre en place des mesures de protection
Outre les mesures de protection fonctionnelle dont peut bénéficier l’agent victime de violence (cf. la fiche pratique dédiée sur le site espace droit prévention) et qui demeurent essentielles, des mesures complémentaires pour protéger les agents ont été déployées par les employeurs.
Après une agression physique, verbale ou psychologique, un courrier de recadrage doit pouvoir être envoyé à l’usager afin de relater ce qui s’est passé, de rappeler les règles de déroulement d’un entretien avec un professionnel et de définir les modalités d’accompagnement pour les nouvelles rencontres, le cas échéant.
Pour les agents isolés, la mise à disposition de kit d’équipement comprenant un téléphone et une trousse de secours constitue une action de prévention tertiaire comme moyen d’assistance à personne en danger.
Proposer un accompagnement psychologique et juridique
L’employeur peut également proposer des mesures de soutien psychologique pour aider la victime, en signant par exemple des conventions avec des professionnels locaux destinés à prendre en charge des séances d’accompagnement pour les victimes.
Le soutien juridique peut consister à accompagner l’agent victime de violences externes à déposer une plainte à titre personnel mais également au nom de l’employeur. L’employeur peut envisager un rapprochement avec le parquet de son périmètre, via convention pour se faire.
Assurer le suivi de la situation de la victime
L’enjeu réside dans le fait de rester en contact régulier avec les victimes afin d’évaluer leurs besoins, adapter les mesures de soutien en fonction de l’évolution de la situation et proposer un dispositif d’accompagnement sur mesure (accompagnement psychologique individuel / collectif, réalisé par un cabinet ou par les ressources internes de l’employeur). Si l’agent est en arrêt de travail, l’employeur peut contacter l’agent, après avoir obtenu son accord, pour aménager et faciliter son retour au travail.
Il est recommandé d’utiliser les débriefings collectifs, les analyses faites a posteriori pour identifier les causes de la violence et du passage à l’acte, afin de capitaliser sur l’acte de violence, réinterroger l’existant et agir en prévention primaire et secondaire dans une logique d’amélioration continue.
Au-delà du suivi individuel et du partage collectif autour des actes de violences, il est nécessaire que l’employeur matérialise son engagement dans la prévention des violences externes et le soutien à ses professionnels. A titre illustratif, ce soutien peut prendre la forme d’un envoi systématique de courrier à un auteur de violences lui rappelant les faits, leur caractère inacceptable et lui offrant la possibilité de s’excuser.
Synthèse

Pour en savoir plus
- Prévenir les violences externes : le FNP publie sa recommandation. Employeur - Prévenir les violences externes : le FNP publie sa recommandation- CNRACL - La retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers
- Chedorge-Farnier D. (2024), « Les agents de la fonction publique plus souvent victimes de violences dans le cadre de leur métier que les salariés du privé ».
- Guedj H. et Zilloniz S. (2022), Panorama des violences en France métropolitaine. Enquête Genese 2021. Service statistique ministériel de la sécurité intérieure.
- Moreau A. et Juillard M. (2022), « Les atteintes contre les forces de sécurité intérieure », I
- Guide de prévention et de traitement des situations de violences et de harcèlement (fonction publique)
- Documents DGOS / Observatoire national des violences en santé (ONVS) — ensemble de guides et fiches pratiques spécifiques au secteur de la santé pour la prévention et le recueil des agressions envers les professionnels (FPH).