Risques psychosociaux (RPS) - Notion et régime juridique général
Synthèse :
Les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels d’origine et de nature variées qui sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail.
De cette grande diversité, il s’ensuit que les risques psychosociaux ne peuvent faire l'objet d'une réglementation protectrice particulière, et sont d’abord régis par des textes généraux.
Textes :
Accord national interprofessionnel sur le stress au travail (2008)
Accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail (2010)
Accord du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique (2013)
SOMMAIRE
La notion de risques psychosociaux (RPS)
- Une notion aux contours difficiles à cerner
- Plurifactoralité et effets sur la santé
- Stress, harcèlement et violence au travail
- Prévention et protection
La reconnaissance juridique des RPS
- Absence de réglementation spécifique
- Les fondements juridiques généraux
- Les dispositions du Code pénal visant la répression des atteintes à l'intégrité, aux droits et à la dignité des personnes
- Les dispositions du Code du travail visant la prévention des RPS
- Les accords collectifs
La notion de risques psychosociaux (RPS)
Une notion aux contours difficiles à cerner
Les risques psychosociaux (RPS) recouvrent des risques professionnels d’origine et de nature variées qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés, et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les appelle "psychosociaux" car ils sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail.
En toute rigueur, il conviendrait de parler de « risques psychosociaux au travail » afin de mieux circonscrire le concept. L’employeur n’est en effet tenu d’agir que dans son champ de responsabilité et donc sur les déterminants des risques psychosociaux dans son établissement.
L’appréciation de ces risques comporte un caractère subjectif car ils relèvent de la perception propre à chaque individu, ce qui n’empêche ni de les évaluer, ni de les mesurer, afin d’en apprécier l’évolution dans le temps.
Sont ainsi principalement regroupés dans la notion de RPS le stress, l'épuisement professionnel ou « burn out », la souffrance au travail, les relations sociales de travail vécues difficilement et objectivement difficiles, le management et l'organisation du travail négligeant le facteur humain, la violence et les différentes formes de harcèlement moral et sexuel.
Cela étant, aujourd’hui, les risques psychosociaux (RPS) ne sont définis, en France, ni juridiquement, ni statistiquement.
Plurifactoralité et effets sur la santé
La caractéristique commune qui permet de réunir différents risques professionnels en une catégorie unique dite « RPS » réside tant dans leurs causes plus ou moins déterminantes que dans leurs effets plus ou moins graves : celles-ci touchent essentiellement à la psychologie des personnes (perception, émotionnel, motivation, engagement dans le travail…) et à leur mode de relation sociale (mode d'organisation du travail, expression du collectif de travail et des solidarités internes nécessaires…).
Les facteurs à l’origine des RPS sont connus et mis en évidence par une littérature scientifique foisonnante. Tout le monde s’accorde à en souligner la plurifactoralité.
Ces facteurs peuvent cependant être regroupés en 4 grandes familles :
- Les exigences du travail et son organisation : degré d’autonomie dans le travail, degré d’exigence au travail en matière de qualité et de délais, vigilance et concentration requises, injonctions contradictoires ;
- Le management et les relations de travail : nature et qualité des relations avec les collègues, les supérieurs, reconnaissance, rémunération, justice organisationnelle ;
- La prise en compte des valeurs et attentes des salariés : développement des compétences, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, conflits d’éthique ;
- Les changements du travail : conception des changements de tout ordre, nouvelles technologies, insécurité de l’emploi, restructurations …
Ainsi, par exemple, le défaut de reconnaissance peut provoquer une dévalorisation de l'image de soi, source de risque pour la santé mentale. De même, un mode de management inadapté, une pression excessive, un défaut d'organisation du travail ou des incertitudes sur l'avenir de l'activité, peuvent provoquer une désagrégation du collectif de travail, avec des répercussions sur l'état de santé mentale des travailleurs concernés, voire la possibilité de déclenchement de comportements addictifs.
Les RPS ne sont pas sans effets sur la physiologie et la santé physique de la personne qui y est exposée : l'exposition prolongée à des RPS peut ainsi provoquer des troubles musculo-squelettiques (TMS), des maladies cardiovasculaires, des ulcères… A l’inverse, les risques physiques ne sont pas non plus sans effets sur le psychisme et la santé mentale du travailleur exposé : anxiété ou angoisse provoquée par l'exposition prolongée ou répétée à un risque physique grave sans la formation nécessaire ou les protections adaptées…
Stress, harcèlement et violence au travail
Les accords conclus à l’unanimité par les partenaires sociaux (l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008 et l’accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail) permettent toutefois, pour les risques objets de ces accords, de s’appuyer sur des définitions consensuelles.
Parmi les RPS, le stress est à la fois le concept le mieux défini et le terme générique le plus employé, parfois vulgarisé au détriment de son sens. Dans le langage courant, le stress professionnel est envisagé, selon les cas, comme un facteur de risque ou un effet néfaste sur la santé.
On distingue les situations de stress aigu (quand une personne doit faire face à un événement ponctuel) et les situations de stress chronique (lorsque cette situation est durable, entraînant des effets délétères sur la santé des salariés et des dysfonctionnements dans l’entreprise).
De manière plus factuelle, le stress au travail a fait l’objet de plusieurs modélisations qui ont contribué à déterminer précisément les dimensions permettant de le mesurer. Le stress est basé sur l’idée d’une combinaison d’éléments non compatibles entre eux, paradoxe qui serait à l’origine d’une situation de tension.
Selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail de Bilbao, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas, eux, uniquement de même nature. Ils affectent également la santé physique, le bien-être et la productivité .
Les partenaires sociaux au niveau européen ont défini le stress au travail dans l’accord cadre du 8 octobre 2004 que les organisations syndicales de salariés et d’employeurs français ont transposé en signant, le 2 juillet 2008, un accord national interprofessionnel.
Aux termes de l’article 2 de l’accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail ,le harcèlement survient lorsqu’un ou plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétés et délibérés dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail.
La violence au travail se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à l'agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d'agression verbale, d'agression comportementale, notamment sexiste, d'agression physique …
Prévention et protection
En raison même de leur diversité, les RPS ne peuvent faire l'objet d'une réglementation protectrice spécifique couvrant l'ensemble des risques correspondants. Néanmoins, les principes et la démarche de prévention qui visent indistinctement toute catégorie et nature de risques professionnels s’appliquent aux RPS.
Restent donc posée la question des moyens juridiques de prévention et de protection et celle de la difficulté de transposer aux RPS les techniques éprouvées d'évaluation des risques physiques.
Il y a donc nécessité de rechercher les indices et les critères objectifs propres aux différents RPS permettant leur identification, leur classification dans le document unique et la mise en œuvre des actions de prévention ou de traitement des causes réelles.
Le Fonds national de prévention propose un dossier sur la qualité de vie au travail dans la Fonction publique hospitalière qui donne des indications sur les mesures de prévention et les bonnes pratiques favorisant la recherche d’une qualité de vie au travail et la santé des personnels.
La reconnaissance juridique des RPS
Absence de réglementation spécifique
Parmi les différents RPS émergeants, seuls le stress, le harcèlement et la violence au travail font pour le moment, l'objet de dispositions de prévention spécifiques de nature conventionnelle ou juridique :
- Mesures conventionnelles européennes et nationales pour le stress qui est quantitativement le premier RPS en même temps que le premier facteur de risque au travail, tous risques confondus, touchant à des degrés divers près de 40% de travailleurs ;
- Mesures législatives (Code du travail et Code pénal) et conventionnelles pour le harcèlement et la violence au travail, les mesures conventionnelles applicables dans le secteur privé n'ayant qu'une valeur de référence pour la fonction publique.
Les fondements juridiques généraux
Ils émanent de nombreuses sources :
- Constitution française du 4 octobre 1958 : libertés et respect des personnes, préambule sur le droit à la santé.
- Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948
- Convention européenne des droits de l'homme, art. 3 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
- Charte sociale européenne du 18 octobre 1961, révisée en 1996, adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe et incorporée au Droit communautaire par le traité d'Amsterdam du 6 octobre 1997.
Article 26 – Droit à la dignité au travail
En vue d'assurer l'exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s'engagent, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs :
à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements ;
à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements.
- Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, du 9 décembre 1989, reprise par le protocole social du traité du Maastricht du 7 février 1992 : égalité hommes - femmes, non-discrimination…
- Conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives à l'hygiène et à la sécurité et recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fixant comme objectif de santé au travail l'atteinte d'un état de bien être physique, mental et social,
- Directives Européennes : directive cadre du 12 juin 1989 sur la prévention, la santé et la sécurité, Directive du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement,
- Accords européens sur le stress, le harcèlement et la violence au travail transposés dans des accords nationaux interprofessionnels ayant valeur de référence pour la fonction publique.
Les dispositions du Code pénal visant la répression des atteintes à l'intégrité, aux droits et à la dignité des personnes
Les dispositions du Code pénal visent toutes les atteintes aux personnes définies quel qu’en soit le degré de violence et quel que soit l'endroit où elles se produisent (au travail ou en dehors).
Répression des violences subies
- Violences volontaires (Code pénal, art. 222-7 et s.) et menaces (Code pénal, art. 222-17) ;
- Infractions non intentionnelles d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne, et aggravation en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence définie par la loi ou le règlement (Code pénal, art. 222-19 à 222-21) ;
- Mise en danger grave, immédiate et délibérée d'autrui (Code pénal, art. 223-1).
Autres infractions sanctionnant les violences physiques et morales
- Harcèlement sexuel (Code pénal, art. 222-33) ;
- Harcèlement moral au travail (Code pénal, art. 222-33-2) ;
- Délaissement d'une personne hors d'état de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique (Code pénal, art. 223-3) ;
- Non-assistance à personne en péril ou victime d'un crime ou d'un délit d'atteinte à l'intégrité de la personne (Code pénal, art. 223-6) ;
- Provocation au suicide d'autrui (Code pénal, art. 223-13) ;
- Discrimination (Code pénal, art. 225-1 à 225-3-1) ;
- Exploitation de la vulnérabilité d’autrui : abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse (Code pénal, art. 223-15-2), service non ou manifestement peu rétribué (Code pénal, art. 225-13), soumission à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine (Code pénal, art. 225-14) ;
- Dénonciation calomnieuse (Code pénal, art. 226-10).
Les dispositions du Code du travail visant la prévention des RPS
Elles visent au respect de certains principes généraux et de certaines obligations.
- Obligation pour l'employeur d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1 à L 4121-5).
- Principes de prévention pour l'employeur dans toutes situations de travail (Code du travail, art. L 4121-2).
- Obligations professionnelles de chaque travailleur de prendre soin de sa sécurité et de sa santé et de celles d'autrui (Code du travail, art. L. 4122-1) : ainsi, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
- Règles de protection des droits et de la dignité des personnes dans les rapports professionnels : respect des libertés individuelles : interdiction des mesures restrictives des libertés individuelles et collectives non-justifiées professionnellement ou non proportionnées (Code du travail, art. L 1121-1) : nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
- « Bonne foi » dans l'exécution du contrat de travail (Code du travail, art. L 1222-1 – Code civil, art. 1134).
- Principe de non-discrimination (Code du travail, art. L 1132-1 à 3), et sanction (Code du travail, art. L 1155-2) :
- Principe d'égalité homme-femme au travail (Code du travail, art. L 1141-1 et s. et L. 1146-1).
- Interdiction des différentes formes de harcèlement : harcèlement sexuel (Code du travail, art. L. 1153-1 et s.) et harcèlement moral au travail (Code du travail, art. L 1152-1 et s.).
- Sanctions pénale au titre du Code du travail, article L 1155-2 : Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L 1152-2, L 1153-2 et L. 1153-3 du présent code. La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du Code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue.
Les accords collectifs
Stress
Accord européen du 8 octobre 2004 sur le stress transposé en France par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008
Son objet est de fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre qui permette de détecter, de prévenir, d’éviter et de faire face aux problèmes de stress au travail.
Selon l’accord, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme, mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. Le stress n'est pas une maladie, mais une exposition prolongée au stress peut réduire l'efficacité au travail et causer des problèmes de santé.
L'accord identifie trois indicateurs de stress : niveau élevé d'absentéisme, rotation du personnel et conflits personnels.
L'accord rappelle les principes de prévention de la Directive cadre de 1989 sur l'obligation pour l'employeur de prévenir les atteintes à la santé physique et mentale, d'évaluer les risques et de mettre en place des mesures nécessaires avec la participation des salariés et de leurs représentants. Il souligne que la lutte contre les causes et les conséquences du stress au travail peut être menée dans le cadre d’une procédure globale d’évaluation des risques, par une politique distincte en matière de stress et/ou par des mesures spécifiques visant les facteurs de stress identifiés.
Un accord spécifique à la fonction publique paraît quelques années plus tard en 2013 : Accord du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique
Harcèlement et violence au travail
Accord cadre européen du 26 avril 2007 sur le harcèlement et la violence au travail transposé en France par l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010
L'accord condamne fermement toutes les formes de harcèlement et de violence au travail dans les termes suivants : le respect de la dignité des personnes à tous les niveaux est un principe fondamental qui ne peut être transgressé, y compris sur le lieu de travail. C’est pourquoi le harcèlement et la violence, qui enfreignent très gravement ce principe, sont inacceptables. Les parties signataires les condamnent sous toutes leurs formes.
L’accord définit les notions de harcèlement et de violence (voir ci-avant).
Le texte consacre le principe selon lequel aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement ni des agressions ou des violences dans des circonstances liées au travail. Il exige, en conséquence, de l’employeur qu’il prenne toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir de tels agissements.
Ces mesures passent d’abord par l’information des salariés. Elles comprennent également des mesures de sensibilisation et de formation des responsables hiérarchiques ainsi que des mesures visant à améliorer l’organisation, les processus, les conditions et l’environnement de travail et à donner à tous les acteurs de l’entreprise des possibilités d’échanger à propos de leur travail.