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Discrimination

Date de création :
septembre 2019
Date de mise à jour :
juillet 2023

Synthèse

En dépit d’un cadre juridique spécifique et des avancées réalisées au cours des dernières années, les discriminations restent une réalité dans la fonction publique. Selon des données établies par le Défenseur des droits près d’un quart des agents publics estiment avoir été confrontés à une discrimination en tant que victimes et plus d’un tiers en tant que témoins.  Ceci explique les nombreuses mesures prises pour lutter contre la discrimination.

Textes :

  • Code Général de la Fonction Publique (CGFP), art. L.131-1 à L.131-13 (chapitre "protection contre les discriminations" et "Lutte contre les discriminations)
  • Code pénal, art. 225-1 à 225-4
  • Code du travail, art. L.1132-1
  • Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

 

Apports du droit européen

Cadre juridique

Lutte contre la discrimination

Charte pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique

 

Apports du droit européen

Les origines

Le refus de la discrimination est au cœur du droit communautaire dès les débuts de la construction européenne.

Ainsi, en 1957, le traité de Rome créant la communauté européenne énonce, dans son article 119, la règle selon laquelle : « Chaque état membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et féminins pour un même travail. »

En 1976 est adoptée la directive « relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail » qui a été complétée depuis lors en 2002.

Les différentes formes de discrimination

On peut ainsi considérer que les directives européennes constituent la source de l’essentiel de notre droit antidiscriminatoire. Elles reconnaissent six critères de discrimination : l’âge, l’origine, la religion, le sexe et l’orientation sexuelle, et définissent quatre formes de discrimination.

  • « Une discrimination directe se produit lorsque, (par l’utilisation d’un critère prohibé), une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre dans une situation comparable ; »
  • « Une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour les personnes au titre de l’un des critères prohibés ; »
  • « Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu’un comportement indésirable (lié à un critère prohibé) se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
  • La demande de discriminer est assimilée à la discrimination : « Tout comportement consistant à enjoindre quiconque à pratiquer une discrimination… »

Les directives autorisent également la discrimination positive : « Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un état membre de maintenir ou d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l’origine ethnique. »

A noter : l'article 225-1 du code pénal retient aujourd'hui 23 critères de discrimination : 

1.    origine,  2.    sexe,  3.    situation de famille,  4.    grossesse, 5.    apparence physique,  6.    particulière vulnérabilité résultant  de la situation économique, 7.    patronyme,  8.    lieu de résidence, 9.    état de santé,  10.    perte d'autonomie,  11.    handicap, 
12.    caractéristiques génétiques, 13.    mœurs, 14.    orientation sexuelle, 15.    identité de genre, 16.    âge, 17.    opinions politiques, 
18.    activités syndicales,  19.    capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français,  appartenance ou  non-appartenance (vraie ou supposée) à : 20.    une ethnie, 21.    une Nation, 22.    une prétendue race 23.    une religion.

Le code du travail, lui (article L. 1132-1), en retient 26, ayant intégré les 3 critères supplémentaires suivants :

24. la domiciliation bancaire, 25. la qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou (personne en lien avec un lanceur d’alerte) 26. l'exercice d’un mandat électif

Enfin l'article  225-1-2 du code pénal en ajoute encore un (créé par la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017) : le fait de subir ou refuser de subir un bizutage :"constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l'article 225-16-1 ou témoigné de tels faits".

Code du travail et code pénal confondus on peut donc distinguer 27 motifs potentiels de discrimination.

Notons enfin que le défenseur des droits opère une distinction entre "opinions politiques" et "opinions philosophiques", ce qui est aussi le cas de l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique. On pourrait donc potentiellement identifier 28 motifs si l'on opère cette dernière distinction.

 

L’aménagement de la charge de la preuve

L’avancée juridique majeure des directives est de procéder, dès 1997, à l’aménagement de la charge de la preuve en disposant : « Dès lors qu’une personne s’estime lésée par le nonrespect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement ».

Cette disposition, prise en raison de l’impossibilité fréquente pour les victimes d’apporter les preuves, est destinée à aider les victimes à agir. Ce n’est donc plus au plaignant de prouver qu’il a été discriminé mais à l’accusé de prouver qu’il n’a pas discriminé.

La création d’un organisme de lutte contre les discriminations

Enfin, les directives obligent les Etats membres de l’Union Européenne à désigner « un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination... »

En France, la création de la HALDE en 2005 est venue répondre à cette obligation. A la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le législateur a créé avec la loi du 29 mars 2011 une nouvelle institution : le Défenseur des Droits qui a réuni quatre institutions déjà existantes : la HALDE, le médiateur de la République (litiges avec les services publics),  le défenseur des enfants (droits de l’enfant) et la Commission de déontologie de la sécurité (manquements des autorités de police, douane, gendarmerie, etc).

Cadre juridique

Définition de la discrimination

Le délit de discrimination est défini en des termes semblables par l’article 225‐1 du Code Pénal, l’article L. 1132‐1 du Code du Travail pour les salariés du secteur privé et les contractuels de la fonction publique et par les articles L 131-1 à 131-3 du code général de la fonction publique pour les fonctionnaires.

Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les agents publics en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sous réserve des dispositions des articles L. 131-5, L. 131-6 et L. 131-7 (CGFP, art. L. 131-1).

Aucune distinction ne peut être faite entre les agents publics en raison de leur sexe (CGFP, art. L. 131-2).

=> Notons que le code général de la fonction publique n'identifie que 17 critères, nombre beaucoup moins important que le code du travail et code pénal.

La loi s’applique dans les mêmes conditions aux agents contractuels et aux stagiaires de la fonction publique.

 

La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 distingue la discrimination directe de la discrimination indirecte :

  • la discrimination directe est la situation dans laquelle, sur le fondement d’un critère prohibé, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,
  • Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés ci-dessus, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but soient nécessaires et appropriés. En matière de discrimination indirecte, l’intention de l’auteur n’est pas prise en compte. Seul importe le résultat, qu’il soit réalisé ou susceptible de l’être.

Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé est assimilé à un fait de discrimination. Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par la loi.

Les exceptions

Toutes les différences de traitement ne sont pas discriminatoires :

  • Des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions.
  • Des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part, pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active au sens de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre part, pour la carrière des fonctionnaires lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi.
  • Des recrutements distincts pour les femmes ou les hommes peuvent, exceptionnellement, être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.
  • Des distinctions peuvent être faites entre les femmes et les hommes en vue de la désignation, par l'administration, des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires et de ses représentants au sein des organismes consultés sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires et sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, afin de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces organes.

Illustrations

Exemples de situations individuelles jugées discriminatoires

  • L'égalité de traitement à laquelle ont droit les agents d'un même corps fait obstacle à l'institution de tableaux et de règles d'avancement distincts pour certaines catégories d'entre eux (Conseil d'Etat, n° 372041, 3 juillet 2015) ;
  • Refus d'affectation à une enseignante d’une salle située au rez-de-chaussée de l'établissement pour lui éviter d'emprunter quotidiennement et à plusieurs reprises un escalier, situation incompatible avec son état de santé (Cour Administrative d'Appel de Versailles, N° 14VE00212, 30 avril 2015) ;
  • Différence de rémunération d’agents publics placés dans des situations identiques avec les qualifications analogues, alors que la commune n’établit pas que la différence de rémunération constatée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Cour administrative d'appel de Paris, N° 13PA00128, 30 avril 2015) ;
  • Il appartient au juge de rechercher d'abord si les éléments de fait soumis par un requérant sont de nature à faire présumer une discrimination, puis de vérifier que les éléments produits par l'administration permettent ou non d'établir que les décisions prises par elle reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Lorsque le requérant se borne à indiquer qu’il a fait l'objet d'une discrimination en raison de ses responsabilités syndicales, il n'apporte pas des faits précis et concordants de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination (Conseil d’État, N° 373893, 15 avril 2015) ;
  • Maître auxiliaire recruté par contrat à durée indéterminée dont la rémunération n'a fait l'objet d'aucun réexamen pas, depuis près de six ans en méconnaissance des dispositions réglementaires applicables (Cour administrative d'appel de Paris, N° 14PA02607, 14 avril 2015) ;
  • Ayant réussi un concours de la fonction publique, une ressortissante turque a été versée dans un poste d'agent de sécurité dans la succursale d'une entreprise publique. Il lui a cependant été signifié qu'elle ne pourrait pas conserver ce poste parce qu'elle ne remplissait pas les conditions suivantes : "être un homme" et "avoir effectué le service militaire". Saisie du litige, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) estime que réserver le poste d'agent de sécurité aux hommes constitue une "différence de traitement" fondée sur le sexe, entre des personnes placées dans une situation comparable. La Cour précise à cet égard que le simple fait que les agents de sécurité doivent travailler de nuit dans des zones rurales et puissent être amenés à utiliser des armes à feu et la force physique ne saurait en soi justifier une différence de traitement entre les hommes et les femmes (CEDH, 2 décembre 2014, req. 61960/08) ;
  • La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée. En outre, si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l'embauche, à un moment où l'employeur n'a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles (Cour de Cassation, chambre sociale, n° 12-20069 et 13-10274, 13 novembre 2014) ;
  • Refus d’admission à un concours laissant apparaître une présomption de discrimination en fonction de l’age du candidat alors l’établissement public en cause ne produit aucun élément permettant d'établir que le jury d'admission n'aurait pas pris en compte une orientation donnée par la direction relative à l'âge des candidats et se serait seulement fondé sur les capacités, aptitudes et mérites respectifs des candidats (Conseil d'État, N° 322636, 7 juillet 2010) ;
  • Questions posées à un candidat lors de l'entretien d'évaluation portant sur son origine et sur ses pratiques confessionnelles ainsi que sur celles de son épouse, qui sont étrangères aux critères permettant d'apprécier l'aptitude d'un candidat, et sont donc constitutives d’une discrimination (Conseil d'État, N° 311888, 10 avril 2009) ;
  • Si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses. Par suite, le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations (Conseil d'Etat, N° 217017, 3 mai 2000).

Textes réglementaires contenant des dispositions jugées discriminatoires

  • En réservant ces possibilités de promotion aux agents détachés dans certains emplois au sein de la même collectivité, et en excluant de leur bénéfice les agents détachés dans ces mêmes emplois auprès d'une autre collectivité, le décret n° 96-1101 du 6 février 1996 a introduit une discrimination dans les conditions d'avancement entre agents du même cadre d'emplois placés dans des situations identiques ( Conseil d'Etat, N° 179197, 3 avril 1998) ;
  • L'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières pour l'admission dans des corps de fonctionnaires ne peut porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès. Si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle doit aussi tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir l'affection ou de bloquer son évolution. Par suite, en interdisant la candidature aux concours ouverts pour le recrutement dans les corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire à toute personne atteinte d'une affection médicale évolutive pouvant ouvrir droit aux congés de longue maladie et de longue durée, sans qu'il ne soit fait aucune référence à l'état de santé du candidat et aux traitements suivis par lui, au moment de l'admission, l'arrêté attaqué a méconnu ces dispositions (Conseil d'État, N° 299943, 6 juin 2008).

Textes réglementaires dont le contenu n’a pas été jugé discriminatoire

  • Le principe d'égalité des agents appartenant à un même corps ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient traités différemment lorsque cette discrimination se fonde sur l'existence de conditions différentes d'exercice de leurs fonctions. Il est ainsi possible de prévoir que les personnels de police en service à l'étranger ne bénéficieront pas de l'indemnité de sujétions spéciales des personnels actifs de police, alors que les personnels de police en service en France y ont droit (Conseil d'Etat, N° 239683, 12 décembre 2003) ;
  • Le décret qui exige, de la part des personnels chargés d'assurer l'enseignement de l'éducation physique et sportive dans les établissement publics et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat, de justifier, avant leur recrutement, de leur qualification en sauvetage aquatique et en secourisme a pour objet d'assurer la sécurité des élèves face aux risques inhérents aux activités sportives qu'ils sont susceptibles de pratiquer. Dans ces conditions, la circonstance que les mesures de compensation du handicap que l'administration est tenue de prendre aux fins de permettre à certaines personnes handicapées de pouvoir accéder selon des modalités adaptées à ces emplois ne soient pas édictées dans le décret, ne constitue pas une méconnaissance du principe de non discrimination fondé sur le handicap (Conseil d'État, N° 311312, 14 novembre 2008) ;
  • Il existe une différence objective de situation, en ce qui concerne la taille, entre les hommes et les femmes, de nature à justifier que soit exigée des candidates au concours d'accès à l'emploi de gardien de la paix une taille minimum inférieure à celle exigée des candidats. Le choix d'une taille de 1,68m pour ceux-ci et de 1,60 m pour celles-là repose sur des critères objectifs et rationnels de sorte que l'arrêté du 21 janvier 1998, en instituant pour les femmes une taille minimale inférieure à celle retenue pour les hommes, ne méconnaît le principe d'égalité entre les sexes (Cour administrative d'appel de Paris, N° 00PA03321, 11 mars 2005).

Lutte contre la discrimination

Les différentes actions

Si une personne publique prend une décision constitutive d’une discrimination, sa responsabilité peut être engagée à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir ou d’un recours indemnitaire.

Par ailleurs, les comportements discriminatoires énumérés à l’article 225-2 du code pénal constituent des délits qui sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale de leur auteur ainsi que de la personne morale dans les conditions visées à l’article 121-2 du Code pénal. Il est possible pour la victime de se constituer partie civile, ce qui lui permet de réclamer en outre des dommages‐intérêts. La victime doit prouver l’élément d’intentionnalité de l’accusé.

La charge de la preuve

Par une décision d’Assemblée du 30 octobre 2009, n° 298348, Mme Perreuxa, le Conseil d’Etat a adapté les règles de charge de la preuve devant les juridictions administratives aux particularités de la matière. Selon un attendu de principe que l’on retrouve depuis lors dans de nombreuses décisions, le Conseil d’Etat indique que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d’appréciation de nature à établir sa conviction. Il précise  que cette responsabilité doit, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, s’exercer en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. Il en résulte que,  s’il appartient au requérant de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une discrimination, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine en définitive au vu de ces échanges contradictoires, au besoin après une mesure d’instruction complémentaire.

A noter que le juge administratif reconnaît par ailleurs la validité de la méthode de comparaison des déroulements de carrière pour apprécier l’existence d’une discrimination dans les avancements des fonctionnaires (Cour Administrative d'Appel de Nantes, N° 10NT01075, 19 juillet 2012, Conseil d'État, N° 362879, 20 novembre 2013).

Devant la juridiction pénale la charge de la preuve appartient à la victime en raison de la présomption d’innocence (Code de procédure pénale, article préliminaire).

Néanmoins, devant le juge pénal, la preuve peut être établie par tout moyen (Code de procédure pénale, art. 427). Ainsi les enregistrements audio ou vidéo peuvent servir de preuves, de même que le « test de discrimination » (ou testing) qui consiste à présenter plusieurs candidatures similaires (mêmes compétences, mêmes garanties…) à une même offre d’emploi ou de logement, en ne modifiant qu’une information (le nom, l’âge, l’adresse…) susceptible de provoquer une discrimination (voir Code pénal, art. 225-3-1).

Les peines encourues

Les peines encourues devant le Juge Pénal

Par les personnes physiques

Par les personnes morales du secteur privé (entreprises privées, associations, etc.)

Jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende (Code pénal, art. 225-2)

Jusqu’à 225 000 € d’amende (Code pénal, art. 131-38 : Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques)

Jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende lorsque la discrimination est commise dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès (Code pénal, art. 225-2)

Jusqu’à 375 000 € d’amende en cas de refus discriminatoire de fournir un bien ou un service dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès.

Jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende lorsque la discrimination est commise par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission.

 

Peines complémentaires éventuelles

Interdiction du droit d’éligibilité pour 5 ans

Affichage de la décision judiciaire dans la presse

Placement sous surveillance judiciaire,

Interdiction d’exercice de l’activité professionnelle

Exclusion des marchés publics…

Dans les deux cas, la victime peut également demander des dommages‐intérêts pour le préjudice moral et matériel subi.

Protection des victimes et des témoins

Aucun agent public ne peut faire l'objet de mesures mentionnées au premier alinéa de l'article L. 135-4 (mesure concernant le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, le reclassement, la promotion, l'affectation, les horaires de travail ou la mutation...) pour avoir (Code Général de la Fonction Publique (CGFP), art. L.131-12) :

1° Subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés aux articles L. 131-1 à L. 131-3,
2° Formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes,
3° De bonne foi, témoigné d'agissements contraires à ces principes ou relaté de tels agissements.

Dans les cas prévus aux 1° à 3° du présent article, les agents publics bénéficient des protections prévues dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Rôle du Défenseur des Droits

Les victimes de discrimination peuvent également saisir le Défenseur des Droits.

Ce dernier peut également être saisi par l’intermédiaire d’une association.

La saisine du Défenseur des Droits ne se substitue pas à une action en justice, mais peut venir la compléter.

Le Défenseur des Droits peut également s’auto‐saisir, si une victime identifiée ne s’y oppose pas. L’auto‐saisine est particulièrement importante en matière de discrimination indirecte, où des pratiques collectives excluant des groupes de personnes peuvent être révélées, sans qu’une intention délictueuse puisse être dégagée et sans qu’on puisse toujours identifier précisément des victimes.

Le Défenseur des Droits peut procéder à des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou privés des personnes mises en cause et dans les lieux, locaux et moyens de transports accessibles au public ainsi que dans les locaux professionnels exclusivement consacrés à cet usage. Lors de ces vérifications le Défenseur des Droits. entend toute personne susceptible de lui fournir des informations.

Si l’enquête du Défenseur des Droits conclut à l’existence d’une discrimination, plusieurs voies sont possibles :

  • transmission du dossier au Procureur de la République,
  • organisation d’une médiation,
  • organisation d’une transaction financière (au profit de la victime),
  • amende,
  • délibération avec recommandations à l’auteur de la discrimination.

Le Défenseur des Droits peut également soumettre ses observations devant les tribunaux civils, pénaux ou administratifs.

Charte pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique

S’inscrivant dans la continuité de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique, signée en 2008, la Charte pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique, signée le 17 décembre 2013, réaffirme la détermination des employeurs publics, en lien avec le Défenseur des droits et en concertation avec les organisations syndicales, à rendre effectifs les principes républicains d’égalité, de non-discrimination, d’impartialité et de neutralité portés par la Constitution française, les normes européennes et internationales.

Cette Charte est l’un des engagements du Protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, signé le 8 mars 2013, sous l’égide du Premier ministre, par la ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, ainsi que par l’ensemble des organisations syndicales représentatives des trois versants de la fonction publique et les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers.

Cet engagement a été réaffirmé lors du comité interministériel "Égalité-citoyenneté" du 6 mars 2015

Dans ce cadre, les employeurs publics s’engagent à :

  • Inscrire la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans leur politique de ressources humaines, ainsi que dans le cadre général de la mobilisation pour la qualité du service public, enjeu majeur de cohésion sociale.
  • Garantir la transparence et l’objectivation des procédures de gestion des ressources humaines à chaque étape-clé de la carrière des agents publics – recrutement, évaluation, mobilité, promotion et avancement, formation tout au long de la vie – dans le but de promouvoir l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations.
  • Assurer, par des actions de formation ou de sensibilisation adaptées, la prise en compte par tous les acteurs et tous les personnels – agents, cadres, responsables des ressources humaines, dirigeants, membres des jurys, représentants du personnel – des principes et des enjeux de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, qu’elles soient directes ou indirectes. Les employeurs publics s’engagent également à réviser le contenu des formations afin d’en éliminer tous les stéréotypes éventuels.
  • Communiquer sur les engagements de la présente Charte auprès de l’ensemble des agents publics des trois versants de la fonction publique.
  • Faire du dialogue social l’une des clés de voûte de la promotion de l’égalité et de la lutte contre les discriminations.

Cadre de référence des actions prioritaires pour parvenir à une fonction publique exemplaire sur l’ensemble du territoire national et impulser une dynamique à tous les niveaux, la Charte a vocation à être déclinée en plans d’action dans chaque administration, dont l’élaboration sera concertée avec les partenaires sociaux.

Afin de garantir la promotion et le suivi de la mise en œuvre de la Charte, les employeurs publics s’engagent à :

  • Assurer auprès de tous les agents publics et les candidats à un emploi public la diffusion de la Charte et des valeurs qu’elle porte par tout moyen pertinent, et notamment par l’affichage dans chaque service, et tout autre moyen de communication interne en ayant recours aux diverses technologies de l’information.
  • Élaborer et mettre en œuvre des plans d’action locaux, associant les partenaires sociaux et les instances de concertation, afin de donner sa pleine effectivité à la Charte.
  • Identifier, au sein de chaque administration et établissement public de l’État, collectivité territoriale et établissement public relevant de la fonction publique hospitalière, un correspondant de la Charte qui aura notamment pour mission la diffusion et la promotion de celle-ci. Ce correspondant doit être identifié comme tel, mais pourra assumer cette mission en sus de ses autres fonctions.
  • Présenter : - au niveau local, un bilan annuel des conditions de mise en œuvre de la Charte ; - au niveau national, dans le cadre de la formation spécialisée « Égalité, mobilité, parcours professionnels » du Conseil commun de la fonction publique, un bilan annuel de mise en œuvre de la Charte, et notamment un recensement de bonnes pratiques et de retours d’expériences. À cette occasion, le Défenseur des droits présentera un état de ses délibérations concernant les réclamations qu’il aura traitées s’agissant de la fonction publique et des recommandations qu’il aura formulées.

Pour accompagner les employeurs publics dans leur action, le ministère en charge de la fonction publique met en place un espace Internet dédié à la Charte sur le site www.fonction-publique.gouv.fr sur lequel des outils, destinés à faire évoluer les pratiques, sont à la disposition de chaque administration et établissement public de l’État, collectivité territoriale et établissement public relevant de la fonction publique hospitalière.

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