Dans un arrêt rendu le 5 novembre, la Cour de cassation rappelle avec force que l’obligation de sécurité ne concerne pas uniquement l’employeur : chaque salarié doit également veiller à sa propre sécurité et à celle de ses collègues. Une décision qui intervient après le licenciement pour faute grave d’un directeur commercial ayant tenu, au travail, des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisante envers plusieurs salariés.
Une obligation légale méconnue
Prévue par l’article L. 4122-1 du code du travail, l’obligation impose à tout salarié de prendre soin de sa santé et de sa sécurité, mais aussi de celles des autres. Issue d’une directive européenne de 1989 et transposée en 1991, il s’agit d’une obligation de moyens, valable pour tous les travailleurs, qu’ils exercent ou non un pouvoir hiérarchique. En cas de manquement, la sanction peut aller jusqu’au licenciement.
Des propos dégradants et répétés
Dans l’affaire jugée, le salarié concerné – un directeur commercial – avait multiplié, via la messagerie professionnelle, des comportements jugés dégradants :
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en envoyant à un stagiaire des images pornographiques ;
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en questionnant à plusieurs reprises un salarié homosexuel sur l’orientation ou l’attractivité d’autres collaborateurs ;
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en tenant des propos racistes visant des sous-traitants malgaches.
L’intéressé invoquait un humour partagé dans un groupe privé et avançait que son licenciement cachait des difficultés financières de l’entreprise. La Cour de cassation rejette ces arguments. Les juges rappellent que des propos portant atteinte à la dignité, même sous couvert d’humour, restent inacceptables dans l’entreprise. Leur répétition et leur effet sur plusieurs salariés suffisent à caractériser un manquement grave.
Atteinte à la santé psychique : la faute grave confirmée
Pour la haute juridiction, ces agissements commis sur le lieu et le temps de travail ont porté atteinte à la santé psychique de collègues et rendaient impossible le maintien du directeur commercial dans l’entreprise. La faute grave est donc confirmée.
Un arrêt qui clarifie la responsabilité des salariés
La décision permet de rappeler l’étendue de l’obligation de sécurité du salarié, déjà reconnue dans plusieurs cas similaires. Les juridictions ont ainsi validé des licenciements pour faute grave lorsqu’un salarié :
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ne met pas en œuvre un plan de prévention ;
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refuse de porter un casque ou des EPI ;
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conduit en état d’ivresse un véhicule professionnel ;
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organise une activité d’équipe dangereuse ;
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harcèle un collègue par des messages répétés ;
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ou encore manque à vérifier la conformité d’installations électriques dangereuses.
D’autres situations peuvent justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, comme l’usage dangereux d’un cutter lors d’une altercation ou l’inaction face à des pratiques managériales inacceptables.
Un rappel utile pour les entreprises
Si les salariés ont une obligation de sécurité, celle-ci ne décharge aucunement l’employeur de sa propre responsabilité. Parallèlement, tout salarié conserve un droit d’alerte en cas de danger grave ou imminent.
Cet arrêt souligne que la sécurité et la santé au travail relèvent d’une responsabilité partagée, et qu’aucun comportement portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité des salariés ne peut être toléré.