Inaptitude et reclassement dans la fonction publique hospitalière
Synthèse
Les agents titulaires de la fonction publique qui ne peuvent plus exercer leurs fonctions pour inaptitude physique provisoire ou définitive, doivent bénéficier d’un aménagement de leur poste de travail ou, quand cet aménagement est impossible ou insuffisant, d’un reclassement professionnel.
Textes : Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, articles 71 à 76 - décret n° 89-376 du 8 juin 1989 - décret n° 86-442 du 14 mars 1986.
Constat de l’inaptitude
Procédure de reclassement
Niveau et modalités de reclassement
Absence de reclassement
-
Il n’existe pas de poste de reclassement
-
Mise en retraite anticipée
-
Mise en disponibilité d’office
-
Refus du reclassement proposé
Le reclassement des agents de la fonction publique hospitalière pour raison de santé est régi par les articles 71 à 76 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, précisés par le décret n° 89-376 du 8 juin 1989.
Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 71).
Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 71).
Il s’agit d’un principe général du droit (Cour Administrative d’Appel de Nancy, 20 mars 2014, N°13NC01067).
L’obligation de rechercher un reclassement avant tout licenciement pour inaptitude physique ne s’applique pas aux fonctionnaires stagiaires qu’en cas d’inaptitude imputable au service (Conseil d’Etat 17 février 2016, n° 381429).
Constat de l’inaptitude
Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, que ce soit de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut l’affecter dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions (décret n° 89-376 du 8 juin 1989, art. 1).
Cette nouvelle affectation s’effectue après avis :
- du médecin du travail, lorsque l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie,
- du comité médical, lorsque le fonctionnaire a bénéficié d'un congé de maladie (décret n° 86-442 du 14 mars 1986, art. 7) ,
- de la commission de réforme, si l’arrêt maladie est en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle (décret n° 86-442 du 14 mars 1986, art. 13).
En outre, et à tout moment, l’employeur peut demander au médecin agréé de statuer sur l’aptitude au travail d’un agent.
Inaptitude à tout poste de travail
Si l’agent est inapte à tout poste, il est inutile de chercher un reclassement.
La démarche de reclassement ne concerne en effet que les agents dont l’aptitude physique restante demeure compatible avec une activité, elle ne peut être mise en œuvre si l’agent est inapte définitif à tous postes (Cour d’appel de Nantes, 27 avril 2007, n° 06NT00612).
Caractère de l’avis
Même s’il n’est pas strictement tenu de le suivre, l’employeur doit toujours se référer à l’avis rendu par le comité médical (ou par la commission de réforme quand la procédure s’inscrit dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) pour envisager le reclassement. Aussi peut-il, lorsqu’il considère que l’avis rendu n’est pas assez explicite, saisir de nouveau le comité médical.
En revanche, Comité médical supérieur, éventuellement saisi lorsque l’avis du comité médical est contesté, émet un avis qui lie l’employeur (décret n° 86-442 du 14 mars 1986, art. 9 - Conseil d’Etat, 14 juin 2010, n° 318712 Chevassus).
La procédure est irrégulière à défaut consultation du Comité médical (Cour administrative de Lyon, 18 octobre 2010, n° 09LY00748).
Procédure de reclassement
Demande de reclassement
Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 71).
En pratique, l’employeur est informé de l’avis du comité médical qui déclare le salarié inapte à son poste mais apte à un autre poste, il doit alors prendre attache avec l’agent, lui expliquer les conclusions du comité médical et l’informer de la démarche de reclassement et de la nécessité de présenter une demande en ce sens.
En effet, l’administration ne peut pas placer le fonctionnaire en disponibilité d’office sans l’avoir au préalable invité à faire une demande de reclassement : (TA Nice, 4ème ch., 30 juin 2008, n°0603288 - Conseil d’Etat, 1er décembre 2010, n° 328476).
En revanche, l'agent doit être regardé comme ayant formulé une demande de reclassement dans un autre emploi adapté à son état physique alors même qu’il n’a pas formé correctement cette demande (CAA Nantes, 26 juin 2003, n° 01NT00837), il n’a pas à préciser la nature des emplois pour lesquels il sollicite son reclassement (Conseil d’État, 17 mai 2013, n°355524).
Détermination d’un nouveau poste adapté à l’état de santé de l’agent
L’employeur doit recenser les postes de reclassement vacants, internes, ouverts (tableau de vacance d’emplois), tandis que le médecin du travail peut alors intervenir pour aider la collectivité à établir un poste adapté au profil de l’agent à reclasser.
S’il existe un poste de travail qui puisse correspondre aux préconisations du Comité médical, l’employeur doit de nouveau solliciter le Comité médical, pour recueillir son avis après lui avoir transmis la fiche du poste proposé.
Si le reclassement fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, c’est la commission de réforme qui est sollicitée.
L'employeur est tenu de mettre en oeuvre la procédure et de rechercher un reclassement effectif (CAA Versailles, 21 janvier 2010, n°08VE02377), dans un délai raisonnable (CAA Bordeaux, 9 avril 2013, N°12BX00099).
Le Conseil d’Etat juge, certes à propos de salariés protégés, mais s’agissant d’un principe général du droit, les principes sont transposables, qu’un avis d’inaptitude à tout emploi émis par le médecin du travail ne dispense en aucun cas l’employeur de rechercher le reclassement de son salarié. En effet, explique Gaëlle Dumortier dans ses conclusions, d’une part le médecin du travail ne peut se prononcer que sur l’aptitude d’un agent à un emploi identifié, d’autre part l’obligation de reclassement ne pèse pas sur le médecin du travail mais sur l’employeur qui est le seul à à pouvoir imaginer et proposer les mesures prescrites par la loi telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.
Le Conseil d’Etat a récemment précisé que la mise en œuvre de ce principe implique que l’employeur propose à l’intéressé un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l’emploi précédemment occupé ou, à défaut d’un tel emploi, tout autre emploi si l’intéressé l’accepte.
Dans les circonstances particulières de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 7 novembre 2017 (n°16VE00373), dès lors qu’il y avait bien un emploi compatible et aussi équivalent que possible avec l’emploi précédemment occupé que M.B. a refusé, le centre hospitalier n’avait pas, pour satisfaire à son obligation de recherche de reclassement, à demander à l’intéressé s’il accepterait un poste administratif.
Conclusions d’Eugénie Orio, rapporteur public.
La recherche d’un reclassement porte seulement sur les postes existants. Elle n’entraîne pas l’obligation pour l’employeur public de créer un emploi adapté à l’inaptitude de l’agent, et donc de créer un emploi au budget de la collectivité (Cour administrative d’appel de Versailles, 7 novembre 2017, n°16VE00373).
Niveau et modalités de reclassement
En vue de permettre le reclassement, l'accès à des corps ou emplois d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 72).
Il peut être procédé dans un corps ou emploi de niveau équivalent ou inférieur au reclassement par la voie du détachement. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps ou emploi de détachement (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 73).
Le reclassement peut également être réalisé par intégration dans un autre grade du même corps (loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, art 74).
La Commission administrative paritaire (CAP) est saisie pour avis au titre du changement d’affectation et doit être informée en l’absence de possibilité de reclassement.
Absence de reclassement
Il n’existe pas de poste de reclassement
Si l’employeur ne dispose pas de poste de reclassement pour l’agent titulaire, il doit en informer le comité médical mais également la commission administrative paritaire (CAP) en fournissant, le cas échéant, les justificatifs nécessaires, car il lui appartient d'établir qu'il ne dispose pas de poste adapté à l'état de santé de l’agent (CAA Nantes, 7 mars 2003)
Mise en retraite anticipée
Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande.
La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (décret du 26 décembre 2003, art. 30).
Le Conseil d’État, par un arrêt du 18 décembre 2015, en précise les modalités.
Mise en disponibilité d’office
Lorsque l’agent est inapte à reprendre ses fonctions et que l’on ne peut pas le reclasser, il peut être mis en disponibilité d’office s’il a épuisé ses droits à congé ordinaire (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 15) et ne peut prétendre à un CLM, congé de longue maladie (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 18) ou à un CLD, congé de longue durée (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 19).
Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 17).
De même, le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 35).
La mise en disponibilité est prononcée après avis du comité médical ou de la commission départementale de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions.
Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale.
Toutefois, si à l'expiration de la troisième année de disponibilité le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical ou de la commission de réforme qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement (décret n°88-386 du 19 avril 1988, art 36 - Conseil d’Etat, 7 mai 2012, n°346613).
Il est rappelé que l’administration ne peut pas placer le fonctionnaire en disponibilité d’office sans l’avoir au préalable invité à faire une demande de reclassement (Conseil d’Etat, 1er décembre 2010, n° 328476).
En revanche, lorsque le comportement d'un agent, apparemment lié à un état pathologique, compromet le fonctionnement normal du service et qu'il est susceptible de porter atteinte à la sécurité des usagers, le directeur d’un centre hospitalier peut, en raison de l'urgence, éloigner provisoirement l'intéressé du service, par une mise en congé d'office, dans l'attente de l'avis du médecin du travail sur son aptitude à poursuivre l'exercice de ses fonctions. (CAA Douai, 21 mars 2001, n° 97DA11980).
Refus du reclassement proposé
La collectivité, en proposant trois postes compatibles avec l’état de santé de l’agent, satisfait à son obligation de recherche de reclassement, de sorte que l’agent qui les refuse successivement encourt le licenciement (Cour administrative d’appel de Nancy, 26 janvier 2012, n° 11NC01672).
De même l’agent qui ne manifeste pas signe de vie lorsqu'il est invité à reprendre un poste différent malgré deux mises en demeure, peut être purement et simplement radié des cadres (CAA Lyon, 20 mai 2010, n°09LY00576).