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La délégation n'exonére pas l'employeur de la responsabilité pénale pour des fautes lui étant imputables et entretenant un lien de causalité certain avec le dommage
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Selon une jurisprudence constante, la délégation générale en matière d'hygiène et de sécurité ne décharge pas l'employeur de la responsabilité pénale qu'il encourt personnellement pour des actes et abstentions fautifs lui étant imputables et entretenant un lien certain de causalité avec le dommage (voir la fiche pratique "délégation de pouvoirs").

On trouve une illustration de cette jurisprudence dans une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendue le 8 septembre 2015 visant le cas particulier de l'armateur et du capitaine de navire.

Dans cette affaire, dans la nuit du 19 novembre 2010, sous l'effet d'une mer forte et d'un vent violent, un navire de pêche ayant un équipage de quatre hommes a rompu sa ligne de mouillage alors qu'il était à l'ancre et s'est échoué sur les brisants de la côte. Deux marins ont trouvé la mort au cours de ce naufrage.

L'armateur, et le capitaine du navire, ont été poursuivis du chef, notamment, d'homicides involontaires pour avoir omis de faire assurer une veille lors des quarts au mouillage et pour avoir omis de vérifier le bon fonctionnement des alarmes sonores ou pour ne pas les avoir activées.

En première instance le capitaine est déclaré coupable, tandis que l'armateur est relaxé au motif qu'il ne pouvait se voir reprocher les manquements commis par le capitaine, seul responsable de la sécurité à bord par application de l'article 28 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

La cour d'appel infirme le jugement et déclare l'armateur coupable d'homicides involontaires, jugeant que cet accident ne se serait pas produit si, en sa qualité d'employeur, il avait rappelé au capitaine, par des consignes spécifiques, l'obligation impérative de veille en passerelle lors du mouillage à laquelle est tenue tout marin et s'il s'était enquis, en considération des moyens financiers dont il disposait, du remplacement et de la qualité de la ligne de mouillage du navire qu'il exploitait. 

La Cour de cassation confirme en considérant que l'armateur a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, entrant dans les prévisions de l'article 221-6 du Code pénal.